Collaborez qu’ils disaient… les dessous de la relation coopérative.
Dans les organisations, la collaboration c’est comme la vie éternelle, tout le monde veut aller au ciel mais personne ne veut mourir.
Coopération est compétence ?
La relation de coopération est un moyen parmi d’autres de satisfaire notre besoin de compétence.
En psychologie perceptuelle, on distingue trois besoins psychologiques fondamentaux : le besoin de considération, le besoin de compétence et le besoin de cohérence. Le besoin de compétence nous oriente vers la production sous toutes ses formes : transformation matérielle, création artistique, production intellectuelle. Yves Saint-Arnaud écrit que produire c’est « …mettre à contribution son énergie biologique et la canaliser vers une transformation par action sur son environnement. »[1]. C’est fondamentalement dans le travail qu’on satisfait son besoin de compétence. Selon Erik Erikson, le besoin apparait chez l’enfant entre 6 et 12 ans. Erikson nomme cette phase du développement l’industrie. Dans cette phase « …l’enfant veut maintenant faire les choses correctement. Il développe le plaisir du travail accompli à travers une attention soutenue et une grande persévérance » (extrait de Enfant et société).
Si on aime produire, on ne peut pas toujours produire seul et le travail est organisé selon des principes de division par souci économique d’efficacité. Ceci ne favorise pas toujours la satisfaction du besoin de compétence. C’est là que la relation coopérative est utile.
La collaboration efficace est pour une personne, un moyen de se réaliser (s’actualiser diront certains). La relation coopérative s’établit quand « deux ou plusieurs personnes s’allient pour répondre à leurs besoins de compétence. » (Yves Saint-Arnaud). Toutefois pour coopérer il faut que les deux personnes mettent leurs compétences au service d’une cible commune.
Les trois conditions de la coopération.
La coopération tend vers un objectif et doit donc satisfaire trois conditions : un objectif commun, une complémentarité des connaissances et compétences, une influence à double sens.
Un objectif commun.
La relation coopérative suppose l’existence d’un objectif commun pour réaliser quelque chose. L’objectif commun peut émaner d’une personne ou d’une autre. Suite à ce lancement d’initiative qu’on nommera base, l’objectif ou le projet doit être discuté et ses contours précisés par les partenaires. Ceci permet l’appropriation. Tout au long de la relation, l’attention est concentrée sur l’atteinte de cet objectif, la matérialisation de ce projet. Certains disent seul le résultat compte. On est donc centré sur le but et pas sur les moyens ni la relation. Ceci n’exclut pas les discussions ou les objections mais leur objet est de clarifier la cible. Dans une équipe collaborative, les discussions ont pour but de trouver la meilleure solution pour clarifier ou atteindre la cible, elles ne cherchent pas prioritairement à conserver la qualité de la relation (donc le besoin de considération).
Des compétences complémentaires.
Pour qu’il y ait complémentarité, il faut que les rôles soient clairs. Le besoin de se faire aider pour atteindre un objectif, origine la collaboration. Je me rends compte de mes propres limites ou un manager se rend compte d’un manque de compétences dans son équipe.
La collaboration naît donc du constat qu’on manque d’une ou des compétences. Pour qu’on parle de relation coopérative il faut, autant de fois que de gens coopèrent que A reconnaisse les compétences de B et vice-versa.
Il n’est pas toujours nécessaire que l’on reconnaisse la compétence à 100%, c’est le cas dans les comités ou les conseils d’administration, où l’on reconnait une parcelle de compétence à X que les autres membres ne possèdent pas (cette compétence pouvant être le rôle de candide).
L’influence réciproque.
« Plus les partenaires se perçoivent comme compétents, plus ils acceptent de s’influencer » (Yves Saint-Arnaud). Pour qu’il y ait influence réciproque efficace, il faut que les parties collaboratrices acceptent les points suivants, il existe :
- Une compétence exclusive de X
- Une compétence exclusive de Y
- Une compétence partagée de Y, X
Compétence exclusive sous-entend un regard relatif. Il faut que X considère que Y est plus compétent que lui/elle et vice-versa.
L’exclusivité de compétence n’exclut pas la discussion. Mais l’objectif est d’enrichir et de faciliter la décision. La décision finale revient à celui à qui est reconnue l’exclusivité de compétence.
La compétence partagée demande un échange de points de vue, des allers-retours et une recherche du consensus, celle-ci se faisant en fonction de l’objectif et non pas des connaissances ou compétences.
Ceci posé quand peut-on dire que l’influence réciproque existe ? Trois preuves sont requises ;
- Entente sur les champs de compétence exclusive et partagée ;
- Absence d’ingérence dans les champs exclusifs
- Absence de décision unilatérale dans le champ partagé.
Quand les trois conditions sont remplies, les personnes disent souvent « on travaille bien ensemble. »
Et vous qu’en est-il?
Qu’en est-il pour vous ? Dans votre quotidien au travail, avez-vous un objectif commun, des champs de compétences clairs et mutuellement reconnus ? Êtes-vous capable de vous influencer ?
[1] In La Personne Humaine, p.48, les éditions de l’homme.
Tout est dit et bien dit. La coopération est le carburant essentiel dans une organisation. Il ne suffit pas de mettre du carburant pour qu’un moteur fonctionne, il faut aussi le régler pour obtenir le meilleur rendement.
Donner du sens, motiver sont les réglages nécessaires pour qu’une équipe atteigne l’objectif commun.
Bonjour Philippe,
Merci pour cet article qui m’invite à y regarder de plus près.
La relation coopérative se traduit dans mon expérience par un vif élan d’envie et de mise en acte pour « faire ensemble ». A un moment donné, « ça » s’enclenche, et ensemble, on abat les tâches de façon coordonnée, complémentaire, efficace _et_ on en ressent une grande satisfaction, ensemble.
Attention, je distingue collaboration et coopération par leurs différences en termes d’autonomie et de responsabilité individuelles en regard de soi-même et du collectif, voire du global.
Je crois que la relation coopérative est un phénomène naturel qui se produit quand au moins deux personnes aiment partager (donner, recevoir et intégrer) comment chacun « fait ce qu’il aime comme il aime le faire ». Et/ou bien, quand il y a une nécessité « vitale », une nécessité de solidarité.
Ceci étant dit, quand la relation coopérative ne se produit pas, pour avoir tenté et pour tenter encore dans bien des situations d’en favoriser les conditions, je note en effet qu’il est nécessaire de clarifier en quoi les objectifs sont communs, en quoi les compétences sont complémentaires, et en quoi chacun est disposé à influencer et à être influencé par les propositions et les méthodes des autres coopérateurs. Mais ça ne suffit pas.
Ou plutôt, j’observe que le processus de clarification, quand il se produit de façon respectueuse et constructive, fera émerger, plus ou moins visiblement, les intentions profondes, les bénéfices secondaires, et la nature du désir d’accomplissement. Ceci étant peut-être une autre formulation pour les trois besoins psychologiques fondamentaux cités dans votre article : le besoin de considération, le besoin de compétence et le besoin de cohérence ? Quoi qu’il en soit, il y a là une belle source de divergences qui représentent un bel enjeu pour l’envie de travailler ensemble!
Votre article m’évoque aussi une équation : coopération [communauté+complémentarité+réciprocité] = travailler ensemble le plus possible d’égal à égal avec une vision la plus possible partagée.
Et une question : quels sont votre expérience, votre point de vue, vos réflexions, au sujet d’un courant qui commence à dater un peu et qui se fait de plus en plus connaître, je veux parler des entreprises libérées ?
Bonne continuation!
Merci Franck de cette grande générosité. En effet collaboration et coopération ne sont pas totalement synonymes, je l’ai évoqué dans un précédent article. Dans la relation coopérative certes on fait ce qu’on aime comme on aime le faire et il y a aussi le désir, besoin de construire quelque chose et l’impossibilité de le faire seul, donc je coopère. Ce qu’on fait en créant un site internet par exemple. A l’un le contenant, à l’autre le contenu. On a aussi toutefois une surface commune de négociation, discussion, exploration où nous sommes moins dans le faire comme bon me semble, en tout cas ce me semble 🙂
Je reviendrai dans le futur sur les entreprises libérées.
A bientôt