Les derniers mois de la vie politique française ont remis le concept de mobilisation sur le devant de scène, en culminant avec le taux record d’abstention du premier tour des élections législatives du 11 juin. Mais qu’on se rassure cet article n’aura rien de politique. Nous allons nous attacher à comprendre les multiples sens du terme « mobilisation », très utilisé en entreprise.
La mobilisation à travers le temps.
Terme venant de l’italien et né dans les Républiques italiennes médiévales, la mobilisation a fait un long voyage.
- Initialement le concept de mobilisation vient du monde de la finance. Il apparaît sans doute au Moyen-âge dans les républiques italiennes (Gênes et Pise). La mobilisation c’est alors rendre liquide son capital immobilisé pour se lancer dans des campagnes commerciales. Ce sens financier est resté, on parle de mobilisation des créances commerciales par exemple.
- Ensuite, la mobilisation entre dans le domaine militaire (1834). On mobilise les forces armées, on ordonne la mobilisation générale ou partielle (elle est en fait au XIXème siècle toujours partielle, on ne mobilise que les hommes et les chevaux). Ce domaine militaire connote la mobilisation à la stratégie d’une part, et au fait de tout donner pour un intérêt supérieur (y compris sa vie malheureusement).
- La mobilisation gagne ensuite le monde syndical et politique. Il s’agit alors de se mettre en mouvement pour revendiquer et s’engager dans une action concertée. Ce domaine introduit la notion d’action concertée, dans laquelle la personne (le « je ») se met au service du collectif (le «nous »). La personne peut faire entendre sa voix et faire valoir son point de vue de manière plus efficace, en supposant que « l’union fait la force ». Nous entrons alors dans le domaine de la sociologie, et Durkheim (1893) définit la mobilisation comme « l’action de rassembler les énergies et les forces morales ».
- On ignore souvent les autres sens de la mobilisation, qui apparaissent au début du XXème siècle dans le domaine médical. En médecine, la mobilisation consiste à rendre plus mobile un membre ou une partie du corps par des massages (mobilisation passive) ou par des exercices (mobilisation active). En physiologie le corps peut mobiliser des substances en réserve dans l’organisme pour les transformer. On retrouve ici une idée contenue dans la mobilisation des actifs financiers.
Le voyage est terminé ou presque car le terme arrive dans le monde des ressources humaines à la fin du XXème siècle. Avant d’y revenir, résumons-nous et ressortons ce qui est commun à toutes les définitions de la mobilisation.
La mobilisation au-delà des domaines, un socle commun.
En premier lieu, la mobilisation est associée au changement et à la dynamique. On passe d’un état à un autre, et la mobilisation implique aussi la transformation. La mobilisation réfère donc à l’action.
En second lieu, la mobilisation est, en général, liée au collectif, les parties se mettent au service du tout.
Notons aussi quelques différences. La mobilisation peut prendre des formes différentes :
- Elle est volontaire (engagement politique ou syndical) ou involontaire (mobilisation générale)
- Elle est active (exercices physiques, manifestation politique) ou passive (grève du zèle, massages, défense passive).
Dans un prochain article nous verrons comment la mobilisation se met en œuvre en entreprise.
En savoir plus sur la mobilisation en entreprise, visitez le site http://www.mc2-experience.com.
Merci Philippe pour cet article de fond, qui, au-delà du retour très intéressant sur les origines du mot (mobiliser des ressources … pas seulement humaines … mais financières à l’origine !), vient renforcer la force d’un concept parfois mal compris ! j’aime pour ma part utiliser la notion de « mobilisation des énergies » … une forme d’adrénaline collective qui a toujours porté les grands changements, qu’ils soient au niveau d’un groupe de personnes, d’une entreprise ou d’une nation !
Tout à Fait Pierre et merci de ce commentaire enrichissant et lié à l’actualité française. Pour ma part dans le même ordre d’idée j’aime bien parler de « canaliser les énergies » qui illustre la nécessité de converger vers un horizon commun.
C’est avec beaucoup plus d’attention et de précision que j’utiliserai à présent le mot « mobilisation ». Merci !
j’apprécie sa dimension systémique, et je me questionne toujours davantage sur le « petit truc en plus » pour susciter l’énergie individuelle et collective…
Merci Karine, c’est qu’en fait il y a deux gros trucs…..un pour entretenir le feu individuel et un pour canaliser cette énergie…Suite aux prochains épisodes
Merci Philippe pour cet article enrichissant, comme toujours. Ca fait vraiment plaisir de voir quelqu’un qui réfléchit et qui permet aux autres d’en faire autant !
Salut Philippe. Merci pour ces éléments de réflexion. Et que dire des téléphones mobiles et leur grande capacité à mobiliser ce qui n’est pas, à première vue, visible mais qui a des capacités immenses de créer de la mobilisation bien réelle? Est-ce la prochaine étape dans l’évolution du terme?
Jean ta remarque ouvre une nouvelle perspective et me fait dire que mobilité est différent de mobilisation. Les téléphones ont permis de mobiliser des peuples, par exemple durant les printemps arabes, mais un téléphone reste un outil et un moyen, dont l’intérêt dépend de l’usage qu’on en fait. Actuellement dans nos vies quotidiennes, notre attention est, à mon sens, trop mobilisée par les mobiles et autres objets, au détriment de la présence dans les relations et de la concentration.
Merci Philippe d’avoir ainsi à la fois synthétisé et redéfini les différentes significations de ce mot qui a tant évolué au fil des siècles. Très instructif.
Intéressant. J’aime bien le Je au service du Nous qui consiste à passer du capital immobiliser à un capital liquide. De la glace à l’eau…mettre en action serait « fondre » dans cette métaphore que tu m’inspires. Merci Philippe :0)
Merci Philippe !
J’aime travailler avec les communautés de travail: ce sont des personnes reliées par des histoires. Soit ces histoires communes, permettent de créer un sens partagé à l’action, soit elles divisent et fracturent la communauté en entités antagonistes. Nous pouvons les accompagner à prendre en compte les valeurs communes pour en faire le socle d’une nouvelle identité orientée vers l’action.
Il nous faut réinterpréter la résistance au changement comme un récit culturel, et réorienter l’énergie bloquée vers la construction de projets partagés, qui eux seuls permettent de vraies mobilisations, de vrais engagements. Cela se vérifie tant dans les engagements syndicaux, politiques, associatifs … que dans l’entreprise ! 🙂
Merci Philippe pour cette synthèse temporelle et pour ce résumé éclairant. Ce qui surgit à ma lecture c’est la notion de cycle. C’est à dire que pour qu’il y ait mobilisation, il aura fallu qu’il y ait « immobilisation ». Dirons-nous plutôt, repos, réserve, provision, potentialisation… Peut-être un début de piste au questionnement de Karine 😉 J’attends avec délice ton prochain article sur la mobilisation en entreprise, j’accumule donc un potentiel de dégustation 😉